Quand on pense à Fatoumata Diawara, amazone mandingue venue répandre amour et fraternité sur la terre, bête de scène et de transe qui a ensorcelé des cadors du rock anglo-saxon et de la variété française, on se remémore son concert au New Morning à Paris, en 2011. Déjà aguerrie par une longue expérience théâtrale et cinématographique, la chanteuse malienne de 29 ans y présentait Fatou, son premier album solo, révélant un tempérament folk affirmé, encore sage. Anne Berthod Télérama
Si le temps était venu en 2018 pour Fatoumata Diawara de dévoiler avec Fenfo, (« Quelque chose à dire »), 2023 réunit toutes les conditions pour la grande voix d’Afrique de proposer avec London Ko, un nouvel album tourné vers le futur.
Nominée aux Grammy Awards en 2019, aux Victoires de la Musique de la même année, meilleur talent aux Awards d’Afrique 2020, nominée aux AEAUSA en 2022, Fatoumata Diawara a cumulé les honneurs avec un disque qui condensait l’essence de son parcours musical depuis Fatou (2011). Elle y exprimait le regard aiguisé d’une femme africaine sur des thèmes controversés de la société contemporaine. La réconciliation parfaite entre les sons électriques et les traditionnelles mélodies d’une kora ou du N’goni, le rythme mandingue des percussions et la voix griotique de Fatou, avaient été minutieusement réfléchis au sein de sa maison de production Montuno et avec Mathieu Cheddid, qui l’accompagne à la guitare et coproduit l’album. Le disque sera sublimé par les incroyables photographies et vidéos réalisées en Éthiopie par Aida Muluneh, dont le travail est exposé jusqu’à New York au MOMA.
« J’ai vécu tellement d’aventures musicales différentes depuis le dernier album, en tournée et en travaillant avec tellement d’autres musiciens et je pense que vous pouvez entendre comment tout cela se reflète dans ce disque », dit-elle. « C’est mon moment et je partage mon âme. »
En l’espace de dix ans, l’artiste malienne fait un nombre colossal de collaborations, en Europe, aux Etats-Unis, et bien sûr en Afrique, qu’elle accueille comme un laboratoire d’idées qui contribuera à forger son propre style, toujours plus visionnaire, toujours plus inclassable. Parmi ces rencontres, une autre figure centrale, Damon Albarn. Celui qui lui avait permis de partager la scène d’Africa Express avec Paul McCartney à Londres en 2012, puis de participer à un duo, « Désolé », sur l’album de Gorillaz en 2020 poursuit l’aventure avec la chanteuse malienne pour coproduire six morceaux de son nouvel album London Ko. Le titre en dit long sur la complicité des deux artistes, un choix engagé pour montrer l’importance du partage et la richesse des différences, à une époque où la globalisation et la discrimination ne cessent de croître.
Dans un univers esthétique qui se joue des espaces et du temps, l’artiste navigue entre les genres en une parfaite continuité avec ce qui avait été initié dans l’album Fenfo. Afrobeat, jazz, pop, électro, rock, hip hop ou encore ska, Fatoumata ne cesse d’explorer, mais c’est dans la gamme pentatonique que la magie opère, fidèle au registre traditionnel mandingue qu’elle revisite depuis ses débuts en musique. Elle nous en donne un avant-goût avec le single Nsera (« Destination »), agrémenté d’un clip détonant réalisé par Grégory Ohrel. Avec ce premier jet, elle rejoint définitivement la mouvance afrofuturiste, et se place au rang des leaders d’une Afrique pleine de ressources.
Leave a reply